Les marchands du temple


La purification du temple - Le Greco - Wikipedia
Voila un moment que je n'ai rien publié sur ce blog (la faute à une activité salariée très prenante, ce dont je ne me plains pas). Et pour une fois, ce sera un billet d'humeur.

Je profite de ce samedi matin pour lire mes mails personnels reçus durant la semaine, notamment ceux provenant des Groupes Yahoo auxquels je suis inscrit.
Parmi ceux-ci, un message de Jean-Claude LE BLOAS sur la liste Yahoo CG22 indiquant que le rapport de l'AG du CG22 est en ligne.

Le rapport de l'Assemblée Générale est très classique pour une association de ce type et conforme à ce que l'on pouvait lire les années précédentes.

C'est en fait le dernier paragraphe qui m'a particulièrement interpellé. Je le retranscris tel quel:

"Monsieur Jean-François PELLAN, président de l’UGBH, nous fit part de ses réflexions sur l’avenir de la généalogie, et le danger que représentent les marchands de l’envergure de Filae ou de Généanet, invitant les généalogistes à ne pas offrir leur bénévolat et leurs données aux marchands du web, mais plutôt aux associations, pour qu’elles restent en mesure de conserver leurs emplois salariés. Il exprima le regret que la Fédération Nationale de Généalogie soit bridée dans les actions qu’elle pourrait mener au niveau national, par la faiblesse des cotisations de base des associations fédérées, et par contre-coup par la faible part de leur cotisation revenant à la FFG"

J'ai relu ce passage plusieurs fois et la première phrase (que j'ai mis en gras) me dérange. Avant d'en expliquer les raisons, je précise:
- que je ne connais pas Mr PELLAN personnellement, même si nous nous sommes croisés sur quelques salons sur Paris
- que je salue son travail tant au Cercle Généalogique du Finistère (mon épouse cousine avec lui au travers d'ancêtres papetiers) que pour son action bénévole sur l'ensemble des mandats associés au monde généalogique qu'il a exercé ou qu'il exerce encore.

Tout cela pour dire que je n'ai aucun a priori, positif ou négatif à son propos. Il se peut d'ailleurs que cette transcription, forcément parcellaire puisque issue d'une intervention plus longue ait quelque peu dévié le message initial de son auteur (l'exercice de résumé est toujours délicat, j'en conviens).

Il n'empêche, je ne peux être d'accord avec cette première phrase qui semble opposer de fait les méchants marchands (sous entendu du temple) et les gentilles associations. Le sujet n'est pas aussi simple.
Et c'est surtout l'argument ultime qui me fait bondir. Pourquoi ne faut il pas aider Filae (ex-Genealogie.com), Geneanet et autres ? Pour préserver les emplois salariés des associations.

Préserver des emplois à l'heure actuelle dans notre pays est forcément une bonne chose. Mais si c'est pour en détruire de l'autre (chez les marchants), la position me parait moins évidente.

Je rejoins Mr PELLAN sur l'alerte faite aux généalogistes de ne pas forcément remettre aussi rapidement leur travail bénévole à des sociétés privées (je préfère ce terme à marchand). J'entends le fait de faire un travail bénévole qui sera exploité financièrement par ces mêmes sociétés privées, sans obtenir de contrepartie. Dès lors qu'une entreprise en tire un bénéfice, il me semblerait juste de gratifier celui qui lui apporte de la valeur.
J'entends également parfaitement le fait d'en faire profiter les associations généalogiques en remettant ce même travail bénévole.
Mais ce n'est pas forcément l'un OU l'autre. Cela peut aussi être l'un ET l'autre. C'est un choix du bénévole qui lui appartient.

Mais cette position ne peut pas être appuyée par le fait de préserver des emplois au sein d'une association. Car cela revient à positionner l'association au même rang qu'une société privée : vendre un produit pour payer le salaire des employés.

Pour appuyer mon propos, je vais revenir semble t'il à la base de l'action du généalogiste : faire des recherches sur ses ancêtres.
Et pour cela, il va forcément utiliser toutes les ressources à sa disposition. Que l'information vienne des associations, des archives directement ou bien aussi des informations provenant des sociétés privées (je ne saurais évidemment être exhaustif sur toutes les sources possibles).

Si le généalogiste se tourne vers les produits d'une société privée, c'est bien que celle-ci lui apporte le service qu'il attend. Si une association (ou autre) fournit le même service, gratuitement ou via le biais d'un abonnement, c'est au généalogiste de faire son choix suivant ses convictions.

Je vais prendre mon exemple personnel. J'ai démarré ma généalogie réellement en 2008. Je me suis inscrit bien vite au CG22 (plus tard au CGHP). Et j'ai largement usé et abusé des services des outils Corail Net et Granite Net. Et je sais gré pour cela aux services du CG22 d'avoir su les mettre en place, et aux bénévoles qui ont indexé leurs données.
Mais j'ai aussi profité des services que m'ont fourni Geneanet et Heredis Online, qui ont aussi participé à faire croitre mon arbre.

Filae est également nommé, je ne les passerais donc pas sous silence. Pour Filae, la question est de plusieurs ordres
Est ce légal ? Mr PELLAN est bien plus qualifié que moi pour y répondre, c'est un terrain sur lequel je ne peux aller. C'est à un tribunal de dire la loi, certainement pas à moi.
Est ce moral ? Là aussi, on peut discuter de la façon cavalière de récupérer les données, mais au final, pour rester pragmatique, n'oublions pas un point: c'est en ligne sur le net, donc on peut le récupérer.

Après, ce qu'il faut reconnaitre (et je ne suis pas client de Filae), c'est qu'ils offrent un produit extraordinaire pour celui qui débute. Et je peux dès lors exprimer un regret. Pourquoi les associations et les AD n'ont pas pu fournir un tel service ? Les images sont là. Les données sont là. Alors pourquoi ?
La faute probablement à la volonté locale de ne surtout pas avoir le même navigateur que celui du voisin. De ne pas partager des données car c'est souvent la seule source de revenu. Et cette liste doit pouvoir s'allonger à loisir.

Alors un acteur privé a fait ce qu'aurait du probablement faire les acteurs publics et associatifs depuis longtemps. La question n'est plus de savoir si c'est normal, légal, moral. La question est plutôt comment réagir.
Et si la réponse n'est pas trouvée rapidement, la situation des associations ne s'améliorera pas.


Lorsque l'électricité a commencé à arriver dans les maisons, les fabricants de chandelle ont tenté de faire interdire les ampoules. Avec le résultat que l'on connait.

Nul doute qu'un tel sujet va faire réagir, j'attends les réactions avec intérêt.

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Précisions finales, j'indique qu'après des années d'adhésion au CG22, je n'y ai pas souscris cette année. Pour la même raison principale que pour Geneanet il y a quelques mois: le manque de temps. Vous pouvez relire en détail ces raisons dans mon article précédent : Renouveler ou pas. Mais nul doute que je me réinscrirais l'an prochain.
Je précise aussi que j'ai fait (très modestement) partie des "fourmis" du CG22 après avoir indexé l'Etat-Civil du petit village de Kerpert, ainsi que la classe de 1872 pour les registres matricules. Et dès que j'aurais plus de temps à y consacrer, je me lancerais à nouveau dans ce type d'action pour le CG22 ou le CGHP.

Commentaires

  1. Moi qui suis en pleine réflexion sur le marché de la généalogie, l'article tombe à pic.
    C'est moins dichotomique que cela. Il n'y a pas les gentils et les méchants. Il y a je crois plutôt tout le monde qui doit se poser ensemble la question de sa place dans le monde de la généalogie. Une association a pour rôle de partager ensemble un loisir, ici la généalogie.L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Je crois que c'est ça l'important, sans se poser d'autres questions. et si on revenait à ce principe là ?

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    1. Je suis assez en phase avec cette position. Les associations généalogiques (en tout cas pour celles que je connais) sont emplies de bonne volonté, de connaissances souvent très pointues sur l'histoire locale, si riche. Ces bénévoles connaissent bien souvent des sources alternatives au trop classique BMS et Etat-Civil que tout le monde peut consulter aujourd'hui. A eux de les faire connaitre, de les valoriser. Et alors les adhérents, même les simples consommateurs, reviendront.

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  2. Pas très fair-play, Jean-Marc, de ne pas acquitter ta cotisation (modique) au CG22, après tout ce que cette association t'a apporté...
    JCLB

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    1. Je vais me faire l'avocat du diable. J'ai beaucoup utilisé les données du CG22 au début de mes recherches, je dirais les deux premières années. Les années suivantes, je cotisais sans toutefois utiliser fortement les services du CG22 (qui sont très bons).
      Je serais un peu provoc, au bout de combien d'années de cotisations peut on estimer avoir rendu ce que l'on a reçu ? ;-)
      Je préfère penser que mon travail de fourmi a été ma façon de redonner une partie de ce que j'ai reçu.

      Et pour être tout à fait honnête, les échanges depuis deux ans au sein du CG22 (via liste Yahoo) ne m'ont pas incité à avoir un état d'esprit très positif au mois de Décembre dernier à l'heure des renouvellements d'adhésion.
      Pour être complet, je précise que j'ai renouvelé mon adhésion au CGHP cette année, même si je n'utilise quasiment pas l'accès à la bibliothèque numérique qui regorge pourtant de pièces qui m'intéressent fortement (toujours ce manque de temps).
      Et comme précisé dans le texte, si mon emploi me laisse un peu plus de temps, je souhaiterais me relancer sur les taches d'indexation, que ce soit pour le CGHp ou le CG22.

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  3. Il ne faut pas juger cette déclaration avec l'oeil du généalogiste aguerri qui recherche le meilleur rapport qualité prix, en allant puiser ses renseignements aux meilleures sources : il est bien évident que les sociétés privées, qui investissent dans la généalogie, ne sont pas des entreprises philanthropes. Elles doivent dégager des bénéfices pour rémunerer leurs actionnaires.
    Pour cela elles doivent enrichir sans cesse leur portefeuile de données généalogiques, et font, pour cela, de plus en plus appel aux bénévoles pour compléter leurs bases de données, qui seront proposées ensuite à leurs clients payants.
    Les associations de généalogie ne se posent pas en prestataires de services payants, en concurrence avec ces sociétés privées. Elles sont surtout là pour mettre du lien entre les généalogistes, leur faire connaitre des cousins bien réels, offrir des formations d'initiation, des conférences qui permettent d'approfondir les connaissances des uns et des autres, d'apporter du conseil pour mieux cibler leurs recherches.
    Ces associations ont constitué des bases de données importantes, sur des périodes très grandes, grâce à leurs bénévoles, et c'est ce patrimoine qui constitue aussi leur attrait, et attire la convoitise des sociétés privées. Il est dommage, que par facilité, certaines associations confient leur patrimoine de données aux sociétés privées, en échange de quelques subsides annuels, et pour combien de temps ?
    Ces associations doivent équilibrer leur budget annuel, et d'autant plus que dans de grosses structures comme le CGF-29 ou le CG22, il y a un ou deux salariés dont il faut assurer l'emploi. Ce sont les seules cotisations des adhérents qui le permettent. Alors, comme l'a déclaré le Président Pellan, il vaut mieux inciter les bénévoles à déposer leurs données dans l'association de leur choix, plutôt que de contribuer à augmenter le volume de données des sociétés privées, qui s'en serviront pour attirer de nouveaux clients, et à détourner ceux-ci des associations.

    Michel Moro
    vice-président du CG22

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    1. A vous lire, je vois que le paragraphe ne reflétait pas totalement la pensée de Mr PELLAN. Tant mieux.
      Et je vous rejoins totalement, j'ai du mal à comprendre que des associations vendent leurs relevés, à moins que cela ne soit expliqué dès le départ aux adhérents qui font justement cette indexation.
      Lorsque j'ai fait du dépouillement pour le CG22, comme je l'ai écrit dans ma réponse à Jean-Claude, c'était bien dans l'esprit aussi de rendre aux autres adhérents une partie de ce que j'avais reçu à mes débuts.

      Je suis en phase avec le rôle que vous décrivez des associations.
      Il reste à mon avis à pousser plus loin la transversalité entre les différentes associations.
      On peut comprendre aisément qu'un généalogiste ne peut pas adhérer à toutes les associations (toute le monde n'a pas ma chance de n'avoir que deux principaux départements de recherche).
      Avoir un instrument de recherche comme l'a proposé Filae ne serait il pas possible au niveau associatif au sein d'un portail généralisé comme celui de France Archives ?

      Merci en tout cas d'avoir répondu à ce billet.

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    2. Bonsoir,

      Je viens de lire les commentaires précédents, sans trouver le signataire de la première intervention, Jean Marc Gog... je suppose.

      Il faut savoir que les associations qui sont "fédérées" dans Généabank offrent à leurs adhérents la possibilité de butiner des actes dans une grand partie de la France. Ensuite chacun cherche le meilleur rapport entre adhésion et nombre de points Généabank accordés. C'est un raisonnement de consommateur mais il existe. En ce qui concerne Généanet et autres sites marchands, il y aura toujours des avis partagés car sur certains points ceux-ci trouveront des niches que les associations ne pourront pas occuper par manque de moyens car en général ce sont des bénévoles qui assurent la partie informatique et les possibilités de stockage d'images sont limitées. Je pense au fonds Coutot, aux papiers terriers par exemple.

      Merci d'avoir relancé le débat.

      JY Laigre
      Président du CG22

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  4. La phrase, objet du billet, est un peu elliptique et court-circuite les justificatifs, que j'ai un peu plus développés dans le post précédent, pour arriver directement à la conclusion.

    Concernant votre proposition, seule la FFG pourrait proposer un tel portail qui permettrait l'accès aux 94 millions d'actes de GeneaBank.
    Mais elle a mis en place par le passé un système concurrent, et payant : Bigenet ! Encore une incohérence historique qu'il lui faut assumer.
    Et comme le disait le président Pellan, la FFG n'a pas les moyens de créer ce portail d'accès aux bases de données de ses membres, vu la faiblesse de ses revenus, pour payer une équipe d'informaticiens.

    En attendant, il existe GénéaBank (http://www.genealogie22.com/GBK/index.html) qui permet de faire des recherches dans les index des données envoyées par les associations affiliées, et en cas de résultat positif, qui renvoie vers le moteur de recherche de l'association concernée. Mais, là aussi difficulté, car ces moteurs de recherches sont assez disparates, et il faut faire son apprentissage avant d'en extraire les données recherchées.
    Ça aide à rester jeune en faisant travailler ses neurones.

    Mais peut-être pourrions-nous commencer à le faire à un niveau régional, avant de reporter le problème au niveau national ?

    Sur la Bretagne historique, on a pas loin de 24 millions d'actes. Pour cela, il faudrait que nous rejoignent d'excellents informaticiens bénévoles, pour développer ce portail.

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    1. Erreur sur le lien :
      http://www.geneabank.org/frenind.php3
      Accès à la recherche sur les index des données des associations affiliées à GénéaBank

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